Ainsi trouve-t-on l’adjectif quantique accolé à beaucoup de domaines mais de façon improbable pour ne pas dire inappropriée : thérapie, nutrition, management, gestion, architecture, design, musique…et bientôt apparaitront les métiers quantiques, les voyages quantiques et le fin du fin, l’amour quantique!
Plus sérieusement, je me suis donc attaché à rapprocher, sans développer, les principaux principes de la physique quantique de ce que les traditions ou expériences spirituelles rapportent depuis des millénaires parfois.
Car bien que la mécanique quantique soit une branche rigoureusement scientifique de la physique, certaines de ses interprétations et implications ont des résonances philosophiques et spirituelles évidentes. Voici donc quelques points où ces deux domaines se croisent.
Interconnectivité et non-séparativité
Le phénomène d’intrication quantique montre que deux particules peuvent être instantanément corrélées, peu importe la distance qui les sépare. Ce principe défie notre compréhension classique de la séparation et de la localisation spatiale.
De nombreuses traditions spirituelles parlent de l’unité et de l’interconnexion de toutes choses dans l’univers. Par exemple, dans le bouddhisme et l’hindouisme, il existe des concepts de l’unité fondamentale de la réalité et de l’interconnexion des êtres. L’intrication quantique résonne avec ces idées d’interconnexion profonde et instantanée.
Certaines interprétations spirituelles considèrent que la réalité transcende les limitations de l’espace et du temps. Les expériences mystiques rapportent souvent des états de conscience où les frontières entre le soi et l’autre, entre le passé, le présent et le futur, disparaissent.
Le rôle de l’observateur
Le principe de la superposition et l’expérience des fentes de Young montrent que l’observation peut affecter l’état d’une particule. En d’autres termes, l’acte de mesurer modifie la réalité quantique.
De nombreuses philosophies spirituelles et traditions mystiques affirment que la conscience (au sens mental) joue un rôle fondamental dans la création de la réalité. La notion que la conscience et l’observation influencent la réalité matérielle est une idée centrale dans beaucoup de systèmes spirituels.
Nature de la réalité
Les concepts comme la dualité onde-particule et le principe d’incertitude d’Heisenberg : la position et la vitesse d’une particule ne peuvent être connues simultanément (attention, les radars au bord des routes ne sont pas quantiques !) suggèrent que la réalité est floue et indéterminée à son niveau le plus fondamental.
Les doctrines spirituelles, particulièrement dans le bouddhisme et l’hindouisme, suggèrent que la réalité telle que nous la percevons est une illusion ou une manifestation temporaire de quelque chose de plus fondamental et indéfinissable.
Unité et non-dualité
L’intrication illustre également une sorte de non-séparabilité, où les états des particules sont intrinsèquement liés, formant une unité à un niveau fondamental.
Les concepts de non-dualité, présents dans des traditions comme l’Advaita Vedanta et le Taoïsme, soutiennent que la dualité apparente du monde est une illusion et que, fondamentalement, tout est unifié. L’idée que tout est connecté et non séparé résonne avec les implications philosophiques de l’intrication.
Expériences mystiques
Les mathématiques et les interprétations de la mécanique quantique, comme l’interprétation d’Everett des mondes multiples (qui suggère l’apparition d’une multiplicité de mondes classiques relatifs aux observateurs, qui ont des destinées multiples dans un unique univers quantique), évoquent des concepts qui peuvent sembler mystiques ou étranges du point de vue classique.
Les expériences mystiques, où les individus rapportent des états de conscience modifiés, des visions de réalités parallèles ou une unité cosmique, peuvent être interprétées comme des expériences au-delà de notre compréhension rationnelle et peuvent rappeler les étrangetés de la mécanique quantique.
Potentiel infini
La notion de potentiels multiples où une particule peut exister dans plusieurs états possibles jusqu’à ce qu’elle soit observée, évoque une réalité riche en potentialités infinies.
Les enseignements spirituels soulignent souvent le potentiel infini de l’âme humaine et la capacité de transcender les limites apparentes de la réalité matérielle.
Qu’en conclure ?
Bien que la mécanique quantique et la spiritualité abordent des aspects très différents de la réalité, elles partagent des thèmes d’interconnexion, d’unité et de non-séparabilité qui peuvent sembler similaires.
Mais leurs liens sont principalement philosophiques et métaphoriques ; ils offrent néanmoins un terrain fertile pour l’exploration intellectuelle, la réflexion et la méditation sur la nature de la réalité, de la conscience et de l’univers.
Il est important de noter que, malgré les résonances entre ces domaines, la mécanique quantique reste une science empirique rigoureuse qui décrit le comportement des particules infiniment petites, essentiellement subatomiques (plus petite que l’atome). Et ce n’est pas le moindre des paradoxes de constater que la matière que nous observons à notre échelle, ne subit pas les mêmes effets quantiques que ces particules bien qu’elle en soit constituée pour partie. C’est pour cela que tous les matins nous retrouvons notre cuisine au même endroit et dans le même état (hélas!) que nous l’avions laissée la veille au soir !
La spiritualité quant à elle, aborde des questions de sens, d’expérience personnelle et de croyance qui échappent souvent (toujours ?) à la vérification scientifique.
Et, il est bien qu’il en soit ainsi :
Thomas : «Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas.» Jean 20:25
Jésus : ”Porte ton doigt ici : voici mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté, et ne sois plus incrédule, mais croyant.”
Thomas: ”Mon Seigneur et mon Dieu !”
Jésus : ”Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru.” Jean 20:27-29
> Pour aller plus loin
- « Le Tao de la Physique » de Fritjof Capra :
Ce livre classique examine les similitudes entre les découvertes de la physique moderne et les concepts des traditions mystiques orientales comme le taoïsme, le bouddhisme et l’hindouisme.
- « La Physique des Miracles » de Richard Bartlett :
Bartlett explore la manière dont les principes de la physique quantique peuvent expliquer des phénomènes considérés comme miraculeux et comment ces principes peuvent être appliqués dans la guérison et la spiritualité.
- « Tout l’Univers en un seul atome » du Dalaï Lama :
Le Dalaï Lama discute de la manière dont les idées de la physique quantique et d’autres sciences modernes peuvent converger avec les enseignements bouddhistes.
- « Le Moine et le Philosophe » de Jean-François Revel et Matthieu Ricard :
Ce livre présente un dialogue profond entre un philosophe et un moine bouddhiste sur la science, la spiritualité et la nature de la réalité.
- « La danse des éléments » de Gary Zukav
Zukav relie la physique quantique à la spiritualité et à la conscience, en expliquant des concepts complexes en termes accessibles et en explorant les implications philosophiques de la physique moderne.
- « L’infini dans la paume de la main : du Big Bang à l’éveil » de Matthieu Ricard et Trinh Xuan Thuan :
Cet ouvrage est le résultat d’un dialogue entre un moine bouddhiste et un astrophysicien, explorant les points de convergence entre la science moderne et la philosophie bouddhiste.
Excellente synthèse sur un sujet passionnant !
Un grand merci Guy pour la façon dont ce sujet complexe est partagé simplement…
Cela donne envie de creuser la bibliographie proposée.
Jean-Côme
Un article qui tombe bien pour remettre les pendules à l’heure !
Le « quantique », très à la mode dans le milieu du développement personnel, est mis à toutes les sauces. C’est une des principales pierres d’achoppement de cette mouvance : elle se pare de termes scientifiques existant ou inventés pour se donner une apparence de rigueur sans pour autant résulter de démarches de vérification et de reproductibilité.
Elle aurait meilleur compte à assumer simplement sa nature empirique, ses intuitions parfois très fortes et ses résultats souvent effectifs. Elle devrait baser sa crédibilité, non sur une terminologie pseudo-scientifique, mais sur la recension méthodique de ses bienfaits et sur un engagement et une surveillance éthiques.